Et si vos performances en trail ne dépendaient pas uniquement de votre VO2max ou de votre kilométrage hebdomadaire, mais de quelque chose de plus fin, de plus stratégique ? Et si vous pouviez, en comprenant mieux vos seuils lactique et ventilatoire, franchir un cap durable dans votre progression ? Trop souvent, on entend parler de « séances au seuil » sans vraiment savoir ce qu’on vise, ni pourquoi on les place dans un plan d’entraînement.
Dans cet article, vous allez comprendre à quoi correspondent précisément ces fameux seuils physiologiques, comment ils influencent vos performances en endurance, et pourquoi ils sont au cœur de nombreux débats scientifiques. Vous découvrirez quelles zones d’intensité privilégier pour progresser, quels types d’entraînement sont réellement efficaces pour développer vos seuils, et comment éviter certaines erreurs classiques.
Comprendre les seuils lactique et ventilatoire : définitions et implications physiologiques
Et si ces fameux “seuils” n’étaient pas qu’un jargon de coach ou un délire de labo ? Et s’ils pouvaient réellement transformer votre manière de courir, d’endurer, de performer en trail ? C’est quoi au juste, un seuil lactique ou ventilatoire ? C’est le moment où le corps vous dit : « Ok, là, je commence à puiser sérieusement dans mes réserves ! »
Le seuil lactique 1 (SL1), c’est la frontière douce : l’effort reste confortable, la respiration est calme, le lactate sanguin reste stable autour de 2 mmol/L. On est en mode “balade active”, parfait pour construire de l’endurance. Le seuil lactique 2 (SL2), lui, se situe autour de 4 mmol/L : la fatigue monte, les jambes chauffent, la respiration s’accélère. À ce stade, on est en zone rouge.
Les seuils ventilatoires ? Ils suivent la respiration : le ventilatoire 1 marque la première hausse nette de ventilation, le ventilatoire 2 l’accélération brutale. Et vous savez quoi ? Ces seuils sont souvent fortement corrélés. Comme un duo de choc pour comprendre votre moteur interne.
Seuils, zones et intensités : quelle place dans l’entraînement trail ?
Quand vous vous entraînez en trail, il ne suffit pas de courir longtemps ou sur des terrains accidentés. La qualité de vos séances dépend en grande partie de la gestion de l’intensité. C’est ici que les seuils lactique et ventilatoire prennent tout leur sens.
- Dans une répartition classique en 3 zones, la zone 1 correspond à un effort d’endurance fondamentale, sous le seuil lactique 1, idéal pour développer la filière aérobie et favoriser la récupération active. C’est l’intensité à privilégier pour bâtir un socle solide.
- La zone 2, souvent confondue avec le « travail au seuil », se situe entre les seuils 1 et 2. Elle est censée reproduire l’intensité de nombreux trails en compétition. Pourtant, les études récentes, comme celle de Rosenblat et al. (2021), suggèrent que trop s’entraîner dans cette zone n’apporte pas autant de bénéfices que l’on pourrait le croire.
- C’est pourquoi j’accorde davantage d’importance à l’alternance entre des séances en zone 1 et en zone 3, cette dernière sollicitant des intensités proches ou supérieures au seuil lactique 2
Zone d’intensité | Effets principaux sur l’organisme | Type d’adaptation visée | Durée recommandée par séance |
---|---|---|---|
Zone 1 (Z1) | Recrutement lent des fibres, faible production de lactate | Amélioration aérobie de base, récupération | 45 à 120 minutes |
Zone 2 (Z2) | Accumulation modérée de lactate, recrutement accru | Optimisation de l’économie de course | 20 à 40 minutes continus ou fractionnés |
Zone 3 (Z3) | Forte activation neuromusculaire, lactatémie élevée | Amélioration du seuil, VO2max, tolérance lactique | 15 à 30 minutes au total, par intervalles |
Entraîner ses seuils : méthodes, outils et retours du terrain
Vous voulez progresser, mais vous ne savez pas par où commencer pour travailler efficacement vos seuils ? L’entraînement au seuil nécessite de cibler des intensités précises. Pour cela, la méthode la plus fiable reste le test incrémental en laboratoire, avec mesures de la lactatémie et des échanges gazeux. Ces tests permettent de situer votre seuil lactique 2 autour de 4 mmol/L, et de caler vos allures en fonction.
Si vous n’avez pas accès à ces outils, le Talk Test ou la surveillance de la fréquence cardiaque offrent des repères pratiques. En général, le seuil ventilatoire 1 correspond à une intensité où vous pouvez encore parler par phrases, tandis que le ventilatoire 2 limite la parole à quelques mots.
À mon sens, les séances par intervalles sont les plus adaptées. Vous pouvez par exemple réaliser 4 à 6 fois 6 minutes en zone 2, avec récupération active. Néanmoins, les dernières publications soutiennent que les bénéfices sont supérieurs avec un travail régulier en zone 3, où la pression métabolique est plus forte. Travailler vos seuils, oui, mais sans en faire une obsession quotidienne.
Enjeux et controverses autour de l’efficacité de l’entraînement au seuil
L’entraînement dit “au seuil” suscite autant d’enthousiasme que de critiques. Sur le terrain, il est fréquent d’entendre que courir en zone 2, juste en dessous du seuil lactique 2, serait la clé de la performance en trail. Pourtant, la littérature scientifique tempère cet engouement. Une méta-analyse rigoureuse menée par Rosenblat et al. (2021) a comparé des protocoles “seuil” et “polarisé”. Les résultats sont nets : l’entraînement polarisé, avec 80 % du volume en zone 1 et 20 % en zone 3, permet une amélioration significative du temps de course et du rendement énergétique.
Il est important de noter que les mécanismes physiologiques liés au seuil, comme la capacité à tamponner les ions H+ ou à réutiliser le lactate comme substrat, s’améliorent aussi — voire mieux — avec des efforts réalisés au-dessus du seuil, en zone 3. Des chercheurs vont jusqu’à affirmer que seules les intensités élevées produisent des adaptations durables sur les seuils ventilatoires et lactiques.
À mon avis, il serait pertinent de limiter le travail au seuil à des périodes spécifiques, par exemple en phase de pré-compétition, tout en privilégiant une approche polarisée pour maximiser la progression sur le long terme.
Quel est le seuil d’entraînement le plus adapté pour progresser en trail ?
Tout dépend de votre objectif et du moment de la saison. Si vous cherchez à bâtir une base solide, capable de soutenir les charges d’entraînement élevées, le travail sous le seuil lactique 1, en zone 1, est le plus pertinent. C’est dans cette zone que s’optimisent la capillarisation musculaire, le transfert d’oxygène, et la capacité à utiliser les lipides comme source principale d’énergie.
Lorsque vous approchez d’une compétition, notamment sur des formats exigeants comme le trail long, il est utile de compléter ce travail par des intensités ciblées autour de l’allure spécifique de course, souvent située en zone 2. À ce stade, il devient pertinent de réaliser des blocs au seuil, comme 3 à 5 répétitions de 10 minutes à 90-95 % du SL2, pour améliorer l’économie de course.
Cependant, les recherches actuelles, comme celles de Seiler et Tonnessen (2009), recommandent majoritairement une approche polarisée. Personnellement, je préconise de réserver le travail au seuil à une utilisation stratégique, tout en gardant en tête que les intensités très faibles et très hautes produisent les adaptations les plus efficaces et durables.
Combien de temps peut-on maintenir un effort au seuil lactique ?
Un effort au seuil lactique 2 peut généralement être soutenu entre 30 et 60 minutes, selon le niveau d’entraînement, l’expérience en compétition et la condition physique du jour. À cette intensité, le corps atteint un équilibre instable où le lactate est produit à un rythme presque équivalent à celui de son élimination. Il ne s’agit pas d’un point de rupture brutal, mais d’une limite fonctionnelle au-delà de laquelle l’accumulation d’ions H+ devient trop importante.
Chez un athlète amateur bien entraîné, cette durée moyenne se situe autour de 40 à 45 minutes. Chez les élites, elle peut dépasser l’heure, notamment sur des formats comme le 20 km ou les contre-la-montre. Ce seuil est généralement associé à 85-90 % de la VO2max, voire plus dans certains cas.
À mon avis, vouloir “tenir le seuil” trop souvent à l’entraînement présente un risque de fatigue chronique, surtout si vous l’associez à un volume élevé. Il est plus judicieux de fractionner ces efforts — par exemple 4 x 8 minutes avec 2 minutes de récupération active — pour maintenir une intensité proche du seuil sans accumuler un stress excessif sur le plan neuromusculaire et métabolique.
Le seuil ventilatoire est-il aussi fiable que le seuil lactique ?
Les deux concepts sont étroitement liés, mais leur fiabilité dépend du contexte et de la méthode de mesure. Le seuil ventilatoire repose sur l’analyse des échanges respiratoires, notamment le rapport entre la ventilation (VE), l’oxygène consommé (VO2) et le dioxyde de carbone expiré (VCO2). Il est généralement mesuré lors d’un test en laboratoire, à l’aide d’un analyseur de gaz, et permet d’identifier deux points de cassure ventilatoire, correspondant au seuil ventilatoire 1 et au seuil ventilatoire 2.
Des études comme celles de Gaskill et al. (2001) ou Faude et al. (2009) montrent une forte corrélation entre les seuils ventilatoires et lactiques, avec des coefficients allant de 0,82 à 0,98. Cela signifie que, dans la majorité des cas, ces deux seuils apparaissent à des intensités proches.
Mon avis est que le seuil ventilatoire est tout aussi pertinent, voire préférable dans certains cas, notamment lorsque les mesures de lactate sont inaccessibles. Il est moins invasif, et permet une estimation fiable à partir de la ventilation seule.
Les données de seuil sur montre GPS (ex. Garmin) sont-elles précises ?
Les montres GPS multisports, comme celles de Garmin, proposent une estimation automatique des seuils lactiques à partir de tests guidés ou via l’analyse des séances d’entraînement. Ces estimations se basent sur les variations de la fréquence cardiaque, de l’allure et parfois de la variabilité de la fréquence cardiaque (HRV). Leur objectif est d’identifier les moments où votre effort franchit certains marqueurs physiologiques, associés au seuil lactique 1 ou 2.
Bien que cette technologie soit impressionnante, elle présente des limites notables. Les tests automatiques manquent souvent de contexte : fatigue accumulée, conditions environnementales ou erreurs de mesure cardio optique influencent directement la précision. À mon sens, ces estimations doivent rester indicatives. Elles sont utiles pour suivre une tendance, repérer une amélioration ou structurer un entraînement de manière approximative. En revanche, pour une programmation précise ou un affûtage compétitif, rien ne remplace un test encadré en laboratoire.